Le début du projet « Jania Rubens »
Bonjour à tous les deux. Pouvez-vous nous expliquer comment cette histoire a commencé ?
Romuald Vallée - Tout a commencé en 2006, nous avons décidé d’engager un étudiant pour réaliser une thèse sur la thématique suivante : « développer une culture cellulaire de Jania Rubens ». Cet étudiant c’est Eric. La Jania Rubens est une macro algue aux propriétés incroyables, mais à la croissance lente avec un fort risque d’épuisement de la ressource. Nous avons réfléchi à la simple question : « Comment faire pour cultiver cette algue sans avoir d’impact sur la nature ? ». C’est là que les parties science et recherche entrent en jeu.
Éric Gasparotto - Nous avons exploré plusieurs hypothèses de travail. Il a fallu de nombreux essais pour finalement s’orienter vers la culture en photo-bioréacteur. Cette première étape à elle seule a nécessité beaucoup de temps d’investigation.
Le parcours qui a mené à une belle consécration
Quelles ont été les différentes étapes de concrétisation du projet ?
E.G. - On a tout fait petit à petit parce qu’il y avait très peu de macro algues cultivées en photo bioréacteur et aucune à grande échelle. Aucune donnée n’était disponible. Nous avons dû essayer plusieurs choses.
Initialement le chemin choisi était de séparer les cellules de leur paroi. Mais il était impossible d’aller jusqu’au bout de ce process. Cela nous a donc poussés à emprunter une autre voie : celle de la culture en photo bioréacteur que nous avions l’habitude d’utiliser pour la culture de micro-algues. Nous avons donc adapté et développé ce procédé jusqu’à obtenir la première culture de macro algue calcifiée en photo-bioréacteur.
R.V. - Une fois le procédé de culture bien mis en place nous avons lancé la production industrielle de la Jania en 2012. Nous avons commencé avec les plus grands photo-bioréacteurs qui existaient, de 250 L. Mais les cuves ont été rapidement insuffisantes. Nous avons alors fait faire des cuves sur mesure pour augmenter notre capacité à 500 L, puis 750 L. Nous avons ensuite multiplié les cuves et investi dans un hall de biotechnologie plus grand. Encore aujourd’hui, la culture continue de se développer et elle évolue sans cesse.
E.G. - En effet l’algue nous réserve de nombreuses surprises et elle reste un challenge pour nos équipes de Recherche. Tellement de facteurs peuvent influencer la culture. On peut s’apercevoir qu’optimiser un facteur ne sert à rien si un autre ne l’est pas. Nous avons fait ce constat lorsque nous avons travaillé sur des protocoles d’orientation métabolique de l’algue pour lui faire secréter des molécules d’intérêt.
Cette année il se passe quelque chose d’important par rapport à votre culture de Jania. Vous nous en dites plus ?
E.G. - Cette année, après 10 années de culture industrielle, nous avons atteint les 1 tonne de matière sèche produite en cumulé. Cette tonne a été produite à partir d’un unique fragment purifié qui a été multiplié et qui nous sers de souche pour ensemencer toutes les cultures. Ce fragment fait environ un milligramme sec. C’est assez intéressant de voir le facteur de multiplication. On est passé de 1 milligramme à 1 milliard de milligrammes.
R.V. - Selon moi, le résultat obtenu au bout de 10 ans, ainsi que la culture de la Jania que l’on a mise en place, est le meilleur exemple de Codif et de son approche RSE. On a récolté la souche, on l’a purifiée et on n’a plus retouché à la nature. On laisse cette algue tranquille dans son milieu naturel avec tout ce qui peut l’entourer.
Il faut savoir que depuis notre création, nous essayons de produire des ingrédients actifs novateurs tout en restant fidèles à nos valeurs environnementales. Nous appelons cela la Bioth-Ecology : utiliser des outils de biotechnologies à haute valeur ajoutée pour cultiver des plantes et des algues à l’identique de leur environnement naturel. La culture Bioth-Ecology représente pour nous l’écologie du futur et nous permet de faire un « copier-coller » du vivant sans impacter l’écosystème des ressources que nous exploitons. Dans ce mode de culture, des conditions de vie spécifique correspondant à celles de l’habitat naturel de l’organisme, sont recréées. C’est ce qu’on a fait aussi avec la culture de Jania Rubens.
Et maintenant, quels sont les projets ?
Existe-t-il d’autres projets de ce type chez CTN ?
R.V. - Comme je le disais nous cherchons sans cesse à mette en place des modes de culture pour impacter le moins possible l’environnement.
Nous avons, durant cette année 2022 par exemple, lancé un nouvel ingrédient actif nommé Vitasmoothy. Celui-ci a la particularité de venir de cellules végétales dédifférenciées. A partir de fragments d’une unique feuille de lavande nous faisons toute notre production de Vitasmoothy.
E.G. - Cette culture aussi nous a poussés à développer nos propres cuves de culture industrielles de façon à s’affranchir des contenants plastiques habituellement utilisés pour la culture de cellules végétales en milieu liquide. Nous sommes aujourd’hui capables de ne travailler qu’avec des contenants lavables et réutilisables. Nous économisons une utilisation de 72 sacs de culture en matériau plastiques pour chaque centaine de kg d’actif fabriqué.
R.V. - Notre recherche de solution pour la production d’ingrédients actifs performants et respectueux de l’environnement a commencé il y a donc très longtemps. Et nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin.