Premium Beauty News - Le 29 mars dernier, vous avez tenu à mettre en garde contre les « effets d’annonce » en matière de matériaux alternatifs au plastique. Pourquoi cette alerte ?
Denis Paccaud - Il est primordial d’être vigilant afin que le remède ne soit pas pire que le mal. Il me semble nécessaire de garder une certaine objectivité par rapport aux alternatives proposées. En effet, elles peuvent apporter un certain nombre de réponses et améliorer certains aspects négatifs du plastique, mais pas systématiquement. Je pense, par exemple, aux dérivés cellulosiques dont les propriétés sont très intéressantes en termes d’écoresponsabilité et de recyclabilité. En revanche, ce sont des matières sensibles aux liquides à base d’eau ou aux liquides gras, comme les huiles. Ils ne peuvent donc que rarement être en contact avec la formule elle-même. En d’autres termes, il est souvent nécessaire d’intégrer un film plastique entre la formule et l’emballage afin de limiter les échanges non désirables entre les deux matières. Autre exemple : certaines matières biosourcées voient leur biodégradabilité ou leur recyclabilité réduites voire annulées après avoir subi une transformation chimique. Quand bien même elles sont issues de matières naturelles au départ.
Premium Beauty News - De votre côté, quelles pistes de matériaux alternatifs explorez-vous ?
Denis Paccaud - Le pôle innovation de Texen dispose de plusieurs horizons avec principalement des travaux à moyen et long terme, mais également à court terme dans le but notamment de pré-qualifier des matières proposées par les fabricants.
Concernant les pistes à moyen et long terme, nous travaillons principalement sur les polymères plastiques recyclés et biosourcés. Pourquoi ? C’est aujourd’hui la matière la plus abondante. Nous avons tout intérêt à sélectionner les matières recyclées les plus pertinentes, à identifier leurs spécificités et comment s’en servir et évidemment s’en resservir. Bien-sûr, encore faut-il que les filières de recyclage existent, mais ce sujet avance. T.E.O (Transition Écologique Observatoire) vient ainsi d’annoncer l’ouverture prochaine d’une nouvelle filière de recyclage pour le polystyrène.
Nous nous intéressons également aux matières qui seront très prochainement recyclées et bien sûr aux matières biosourcées et biodégradables - telles que les PLA et les PHA - bien qu’aujourd’hui l’acceptation de ces matières soit très nuancée. Chez Texen, nous en proposons seulement quelques-unes à nos clients. Nous avons pour ambition de parfaitement les maîtriser et de minimiser tous les risques liés à l’utilisation de ces matériaux « nouveaux » avant de les intégrer dans notre catalogue et nos usines. Un autre aspect sur lequel nous travaillons est notre capacité à séparer les différentes matières et composants d’un emballage ainsi qu’une réflexion poussée sur la conception de solutions mono-matériau.
Premium Beauty News - De nombreuses entreprises se sont fixées des objectifs en termes d’utilisation de matériaux recyclés et de recyclabilité de leurs emballages. On a le sentiment que c’est le sujet sur lequel on avance le plus vite.
Denis Paccaud - Aujourd’hui, les industriels ont une parfaite maîtrise de la manière de produire les matériaux plastiques et de les transformer. Mais l’industrie n’a pas encore atteint sa maturité concernant la chaîne de recyclage et doit continuer d’innover et d’optimiser les procédés des étapes de collecte, de tri et de recyclage des matières. L’urgence climatique et la prise de conscience des clients nous poussent à prendre en compte de nouveaux paramètres dans le développement des produits, notamment pour faciliter leur recyclage. Nous sommes dans une vraie dynamique de transition, également poussée par la réglementation avec des échéances à 2025 puis à 2030.
Aujourd’hui en France, 30% du plastique pouvant être recyclé - majoritairement du PET - est véritablement recyclé. De plus, le recyclage mécanique montre ses limites surtout pour les usages en cosmétique nécessitant une certification « grade alimentaire ». C’est pourquoi les filières sont à la recherche d’autres techniques comme le recyclage chimique, certes plus énergivore, mais offrant plus de possibilités, ou comme le recyclage enzymatique - qui semble pour l’instant faire ses preuves sur certains matériaux et se montre moins énergivore.
Premium Beauty News - La recharge est souvent présentée comme la solution la plus efficace en matière de réduction des emballages. Texen a d’ailleurs participé à la fabrication des recharges pour la marque de Stella McCartney. Quel est votre point de vue sur ce chapitre ?
Denis Paccaud - Avec l’exemple des produits de la marque Stella McCartney, vous citez une des solutions les plus abouties en termes de produits rechargeables. En effet, ici on minimise le plastique de la recharge et on maximise les cas d’usage. La recharge pouvant être utilisée seule ou dans son flacon à pompe. Enfin, elle est entièrement recyclable puisqu’elle est fabriquée en film mono-matériau sans aluminium. Le bilan carbone et le bilan d’usage de ces produits sont vraiment intéressants.
Il y a d’autres solutions, moins abouties certes mais aussi intéressantes, qui impliquent des recharges en plastique rigide et dont le bilan carbone reste largement positif. Cependant, il faut veiller à ce que la recharge ne dévalorise pas l’image du produit et que l’acte de recharge ne soit pas une corvée mais en acte plaisant. Notre mission est, d’une part, d’apporter à l’utilisateur une gestuelle de recharge confortable voire ludique et, d’autre part, des produits rechargeables à la durée de vie plus longue, pour ne pas lasser ou décevoir le consommateur. C’est un véritable enjeu.
Alors oui le rechargeable peut être une solution de réduction d’emballage. Il intéresse d’ailleurs nos clients, majoritairement les marques de luxe ou premium, car une de ses limites est évidemment le coût.
Premium Beauty News - Aujourd’hui de nouvelles galéniques émergent (solides, anhydres, poudres), avec de nouveaux enjeux en termes de packaging. Où en est l’innovation sur ce sujet ?
Denis Paccaud - Nous interrogeons nos clients sur ces nouvelles galéniques et avons initié des réunions de réflexion et des études de concept. Il y a certainement une voie à prendre concernant les poudres dont la remise en « eau » est absolument nécessaire pour pouvoir les utiliser. De plus, pour que le mélange soit bien dosé et homogène, vous devez être précautionneux sans quoi la préparation est trop liquide ou trop épaisse. Une routine qui à mon sens nécessite un contenant spécifiquement conçu pour une gestuelle de préparation simple et rapide au risque de perdre le consommateur.