Emballages, couvercles et toutes sortes de plastiques : cette technologie promet de les transformer en divers produits pétrochimiques. Si elle est défendue par l’industrie des combustibles fossiles produisant du plastique, les écologistes estiment qu’elle va à l’encontre de la priorité qu’est la réduction des déchets.
Chaleur et solvants
Comme d’autres habitants de Point Township, dans l’État de Pennsylvanie, Annmarie Weber s’inquiète de l’installation de l’usine de l’entreprise texane Encina. « Ils se comportent comme une raffinerie », regrette-t-elle depuis sa cuisine située à moins d’un kilomètre du site prévu, disant craindre « la pollution de l’air, la pollution de l’eau, les produits chimiques toxiques ».
Contrairement au recyclage mécanique, le recyclage chimique utilise la chaleur et des solvants chimiques pour que le plastique se décompose jusqu’à retrouver ses composants pétrochimiques de base.
Pour Sheida Sahandy, responsable du développement durable chez Encina, ce procédé permet de transformer « ce qui était un déchet en un matériau fructueux », à l’heure où le plastique inonde les océans et les décharges. Les matières premières créées par le recyclage chimique peuvent être utilisées pour fabriquer toutes sortes de produits, y compris du carburant. Toutefois, Encina assure ne pas vouloir produire de carburant.
Selon l’ONG Beyond Plastics, la production de carburant ne fait que perpétuer « un cycle d’extraction pétrochimique, de production de plastique et de combustion ».
Les usines de recyclage chimique sont souvent « autorisées à rejeter une pollution atmosphérique nocive pour la santé », constate Veena Singla, du Natural Resources Defense Council. « Nombre d’entre elles produisent également de grandes quantités de déchets dangereux », ajoute cette scientifique.
Trop peu de recyclage
Seuls 9% des déchets plastiques sont recyclés chaque année aux États-Unis, selon les derniers chiffres officiels remontant à 2018. La majorité du plastique finit dans les décharges, incinéré ou jeté dans la nature.
Sur son complexe pétrochimique tentaculaire de Baytown, au Texas, ExxonMobil possède l’une des 11 usines de recyclage chimique des États-Unis, selon les chiffres publiés en octobre par Beyond Plastics. Pour Melanie Bower, responsable du développement durable chez ExxonMobil, ce procédé est « une technologie complémentaire au recyclage mécanique ».
Mais les usines de ce type ont encore peu nombreuses sur le territoire américain. Preuve, selon Beyond Plastics, que cette méthode reste considérée comme trop « énergivore, coûteuse et irréalisable ». L’ONG affirme que même si ces usines fonctionnaient à plein régime, elles traiteraient moins de 1,3% des déchets plastiques produits chaque année aux États-Unis.
Mais pour l’experte Veena Singla, les industriels veulent convaincre les consommateurs qu’il s’agit d’un « moyen durable et écologique de gérer les déchets plastiques ». « La vraie solution : moins de plastique, point ! », conclut-elle.
« Ressources publiques »
À Point Township, les habitants s’inquiètent aussi des grandes quantités d’eau de Susquehanna qui pourraient être utilisées pour laver les plastiques avant de les renvoyer dans le fleuve.
L’eau renvoyée « aura subi un processus de filtration qu’elle n’aurait pas subi autrement », veut rassurer Sheida Sahandy d’Encina. « Et nous devons nous conformer à toutes sortes d’exigences pour nous assurer qu’il n’y a rien de nocif », insiste-t-elle.
Mais selon l’entreprise elle-même et les experts locaux, aucune réglementation ne s’applique au sujet des microplastiques et des PFAS, des additifs courants dans le plastique : ils ne se décomposent pas facilement et sont associés au cancer, à des problèmes de fertilité et à des dommages environnementaux. Et, parmi les produits pétrochimiques fabriqués par Encina, figure le benzène, un agent cancérigène connu dont les habitants craignent qu’il ne soit libéré en cas d’accident ou de catastrophe naturelle.
Lorsqu’une entreprise se « propose d’utiliser des ressources publiques telles que l’air, l’eau et le sol, il est légitime que ses antécédents et son projet soient examinés de près », estime Andrew Stuhl, spécialiste de l’environnement à l’université de Bucknell. Pour ce professeur de Pennsylvanie, « il y a beaucoup trop de risques et d’inconnues ».