L’alerte fait suite à deux décisions de la Chambre de Recours de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) [1], en août dernier, imposant au fabricant allemand de produits chimiques Symrise de réaliser plusieurs tests de toxicité sur les animaux sur deux filtres UV chimiques (homosalate et 2-éthylhexyle salicylate), utilisés exclusivement pour la formulation d’écrans solaires, pour répondre à l’intégralité des exigences d’enregistrement pour la sécurité des travailleurs prévues par le règlement d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des produits chimiques (REACH).
« Demandes inutiles »
Selon les signataires, l’interdiction de l’expérimentation animale par l’UE « est désormais sapée » par l’Agence européenne des produits chimiques et sa Chambre de Recours qui s’inscrivent dans « la tendance à demander systématiquement des données animales inutiles malgré l’obligation légale de promouvoir des méthodes non animales ».
Ils affirment que ces demandes de données, loin d’assurer la sécurité des travailleurs dans les usines, « visent à garantir que l’ECHA dispose d’un ensemble de données administrativement complet pour la classification et l’étiquetage des dangers, indépendamment du fait que des données supplémentaires soient en fait nécessaires pour assurer la protection des travailleurs ».
En fait, Avon, L’Oréal, Procter & Gamble, Unilever, Lush et Humane Society International considèrent que les leçons tirées de plusieurs années d’évaluation de la sécurité des cosmétiques sans recourir aux animaux peuvent « être facilement appliquées à l’évaluation de la sécurité des ingrédients pour les travailleurs, sans compromettre la sécurité humaine ».
« Partie émergée de l’iceberg »
En l’absence de réaction, à ce jour, de la part de la Commission européenne, les signataires craignent que les deux ingrédients chimiques actuellement dans le collimateur de l’Agence européenne des produits chimiques ne soient que « la partie émergée de l’iceberg », l’ECHA et certains États membres ne cessant d’exiger de nouveaux tests sur animaux pour les cosmétiques à un moment où le reste du monde s’efforce de les éliminer.
« Il s’agit d’une menace directe sur l’interdiction historique de tester les cosmétiques sur des animaux dans l’Union européenne ; une interdiction largement soutenue par les consommateurs et les marques de cosmétiques, car faire souffrir et mourir des animaux pour des produits de beauté ou leurs ingrédients est injustifié, tant sur le plan éthique que scientifique. Les autorités de réglementation des produits chimiques doivent changer d’urgence leur perspective pour embrasser la science du 21e siècle au lieu de nous ramener à des tests cruels et obsolètes sur les animaux », affirme Marina Pereira, conseillère scientifique de la Humane Society International.
Des réglementations contradictoires
Si l’on se réfère aux deux décisions de la Chambre de Recours de l’ECHA (ci-dessous), la contradiction croissante entre deux réglementations poursuivant des buts opposés apparaît clairement.
Selon l’ECHA, ces tests sont nécessaires pour vérifier l’innocuité des ingrédients. La Chambre de Recours souligne que, si celle-ci est confirmée, les tests n’auront pas à être intégrés au dossier cosmétique et n’entraineront donc pas l’interdiction de commercialiser les ingrédients concernés. À aucun moment, l’objectif d’élimination des tests sur animaux n’est mentionné dans les décisions. Ce n’est visiblement pas sa préoccupation.
Pour l’industrie des cosmétiques, l’objectif semble donc maintenant de faire reconnaître la validité des méthodes alternatives dans le cadre du règlement REACH, quitte à devoir les adapter.